Intervention de MH POUGET-CHAUVAT au débat de Tulle

Débat Information :

Organisé par le collectif de défense et développement du service public en Limousin et par le collectif pour la défense et la promotion de l’école publique de proximité

Tulle le 6 mai 2011

 

Espace rural, collège

Intervention de Marie-Hélène Pouget-Chauvat (PCF)

Enseignante, responsable syndicale, Maire adjointe aux affaires scolaires

Vice présidente de la communauté de communes Bourganeuf-Royère chargée de la politique du territoire


Voir l'enregistrement video : http://www.dailymotion.com/video/xir7vi_marie-helene-pouget-chauvat_news

 

Tout d’abord je remercie les organisateurs : le collectif pour la défense et la promotion de l’école publique de proximité ainsi que le collectif de défense et de développement du service public en Limousin pour leurs actions au plus près des citoyens.

Je remercie également Jacqueline Boucher qui se dépense sans compter pour la réussite des opérations comme celle de ce soir.

Et enfin je remercie tous ceux qui se sentent acteurs de la problématique et sont là ce soir.

Mon intervention qui durera au maximum 15 min se fera en trois points

1 Pourquoi attaquer les petits collèges

2 Deux raisons de les conserver

3 Des inquiétudes des solutions des luttes

 

 

En préalable, deux précisions qui vont aider à la compréhension de la suite pour ce qui est des collèges publics 

  • Le Conseil Général est propriétaire des locaux, il fournit une subvention de fonctionnement, gère les personnels TOS
  • L’Etat gère tous les autres personnels enseignants et administratifs

 

 

A-     POURQUOI DES ATTAQUES SUR les PETITS COLLEGES

 

1)      Cela peu paraître paradoxal car il y en a peu et ils ne sont pas n’importe où

 

Pour l'année 2008-2009 :

Dans le secteur public, il y avait 5 260 collèges dont la taille moyenne était de 490 élèves.

Parmi ces collèges, 48 avaient moins de 100 élèves (0,9 % du total des collèges), et 286 avaient entre 100 et 200 élèves (5,4 % des collèges).

Au total 6,3% seulement des collèges ont moins de 200 élèves

 

Pour le privé : 1771 collèges dont 515 de moins de 200 élèves Soit 29,4%

 

Le phénomène petite structure semble donc marginal dans le secteur public

Nettement moins si on considère le secteur privé.

 

Les petits établissements ne sont pas localisés au hasard (je m’appuie sur les travaux de Jean Paul Diry, géographe Laboratoire CERAMAC, Université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand),

Ils se localisent dans certaines régions : l'Auvergne, le Limousin, Midi-Pyrénées, la Franche-Comté et à l'intérieur de ces régions ils sont concentrés dans certaines zones.

 

La carte des petits collèges correspond à deux cartes, celle des zones montagneuses et celle des secteurs ruraux avec une économie essentiellement agricole.

 

 

2)      Il y en a peu, mais ils coûtent plus cher que les gros

 

On se rappelle que pour l'Etat, depuis les lois de décentralisation, les dépenses de personnel enseignant administratif constituent 95 % du coût d'un collège.

Le reste du personnel, le fonctionnement et l’entretien a été décentralisé au département.

Les services de l’état sont donc très sensibles à un nombre clé pour la gestion de la carte scolaire

C’est le taux d'encadrement sacré que les IA des départements ruraux exhibent dans toute réunion avec les parents.

Ce taux, c’est le nombre d’enseignants pour 100 élèves

Pour les collèges (ou école) ruraux  il est toujours supérieur à la moyenne. Les classes ont un effectif faible donc 1 professeur pour 15 élèves donne un nombre plus grand qu’1 professeur pour 35 élèves.

 

Ce qui fait que pour les comptables du ministère de l'éducation nationale

 ces collèges coûtent très chers.

 

Et pourtant si on compare avec les pays autres pays de l'OCDE (office de coopération développement économique) classés par taux d'encadrement du primaire au supérieur

il n’y a pas de quoi être fier : La France arrive en bas avec 5 pour le primaire c'est

l'une des raisons qui expliquent que l'école en France soit à ce point reproductrice d'inégalités.

 

Un taux d'encadrement supérieur à la moyenne comme les collèges ou écoles du Limousin n'est pas une anomalie à corriger, mais un exemple à suivre !

 

Pour l’éducation Nationale fermer un collège c’est récupérer des postes donc de l’argent

 

Et comment les faire fermer ?

En appuyant sur le levier que l’état possède : le personnel enseignant et administratif.

 

En Creuse, département du Limousin il y a 18 collèges

13 de ces collèges peuvent donc être fermés si on décide comme dans les Ardennes qu’un collège a besoin pour être pédagogiquement viable d’après l’éducation nationale de 300 élèves. Il en resterait 5.

Pour rentabiliser, il faut supprimer des postes d’enseignants

 

En Creuse si on considère cette année l’effectif constaté rentrée 2010 et l’effectif prévu par l’IA 2011 on a 63 élèves en plus il y a une suppression de 7 postes

Sans poste d’enseignants le collège ne peut fonctionner.

 

 

B) LA CARTE DES COLLEGES (et surtout des petits) DOIT ELLE ETRE MAINTENUE EN MILIEU RURAL ?

 

En première approche, et au risque de provoquer on peut se demander s’il est normal de maintenir des collèges avec des classes de 10 à 15 élèves, alors que dans certaines villes on a 30 élèves ou plus dans les classes qui parfois ne parlent pas français ?

On peut se demander aussi si les citoyens sont prêts à accepter l’augmentation du budget de l'Éducation Nationale pour recruter les enseignants nécessaires à ces établissements.

Je ne vais certes pas développer ces idées puisque ce ne sont pas les miennes et, comme annoncé, je vais donner deux raisons de ne pas supprimer ces collèges

 

Pour cela je choisis une deuxième approche, qui ne relève pas de l’Education Nationale mais plutôt des services en milieu rural et surtout de l’aménagement du territoire

 

 

La première raison porte sur les unités de base qui me paraissent indispensables pour garder un territoire attractif

L’unité territoriale « commerces services » : le Bourg centre

De nombreuses communes en Creuse ont perdu la totalité de leurs services et commerces du fait de la baisse démographique mais aussi de l’évasion des usagers.

J’explique le terme évasion: en prenant un exemple celui de l’épicerie de village  de nombreux habitants dans ces communes préfèrent (une fois par semaine ou plus) aller faire leurs courses dans le supermarché du bourg, plutôt que dans l'épicerie du village même si certains réclament l'ouverture d'un multi-service , beaucoup continuent d’acheter au supermarché de la ville voisine.

 

Les communes rurales sont devenues des coquilles vides et toute la vie se groupe sur le bourg-centre (souvent chef-lieu de canton).

Ce bourg-centre qui représente un certain quota de population par rapport aux communes alentours regroupe l'ensemble des services et commerces : poste, école primaire, boucherie, boulangerie... et aussi banque, pompe à essence, gendarmerie parfois hôpital ... et le collège.

Les habitants des autres communes rurales utilisent les services du bourg. Il est devenu un pôle essentiel au territoire rural, et dessert un petit territoire : le bassin de vie.

 

L’unité politique : la commune

Pour un fonctionnement démocratique, des élus doivent se trouver au plus près des citoyens. La commune, sa municipalité, son école sont toujours des éléments identitaires essentiels. Elles permettent une proximité des élus mais ont peu de réalité économique ou sociale.

Ces deux unités sont indispensables : Bourg centre pour le collège et commune pour l’école.

La disparition des bourgs-centres entraîne des ruptures dans les campagnes, avec des conséquences catastrophiques pour l’espace rural. Il faut donc maintenir par tous les moyens ce réseau de bourgs-centres donc les collèges, y compris les petits collèges.

 

Ma 2ème raison c’est le changement de ressenti par rapport à la campagne

Autour des années 1960, les campagnes limousines commencent à se dépeupler.

Mais dès l'année 1999, la région du Limousin connaît une augmentation de population. Ce phénomène est du en partie à la politique d'accueil qui existe depuis 97. Cet accroissement est salutaire pour les années suivantes

Ainsi en 6 ans, le Limousin a gagné quelques 12 772 habitants.

 

Une explication intéressante avancée par les sociologues est que la perception du monde rural a changé petit à petit.

Jusqu'aux années 1980, la ville porte des valeurs positives : émancipation, progrès, ascension sociale, modernisme alors que la campagne est perçue comme en retard, archaïque, rétrograde, arriérée.

Depuis 1980, les représentations mentales ont changé comme le montrent les enquêtes d'opinion. Le coût du logement, la sécurité, l'environnement ont fait ressentir la ville négativement et la campagne positivement.

Ce changement de ressenti a des conséquences sur les mouvements de population.

De nouvelles installations se font dans les campagnes même les plus éloignées

Cet afflux de population est diversifié, des retraités certes, mais aussi des jeunes couples (agriculteurs ou pas), des marginaux ou des cadres cherchant une qualité de vie.

Ces nouveaux arrivants cherchent pour la plupart les mêmes services qu’ils connaissaient en ville : services publics multi-accueil, écoles collèges médecins unités de soins

Si le collège n'est pas à proximité et qu'il faut consentir un déplacement de plus de 20 km, les couples avec enfant ne s'installent pas.

 

Au passage, on peut remarquer l’absurdité du raisonnement : c’est au moment où la population rurale est en hausse que l'État veut supprimer des postes.

 

Ainsi la question du collège dans les bourgs-centres est dès lors une question clé. Pour les collectivités locales qui essaient de développer des politiques d'accueil, la fermeture du collège est un problème car le territoire perd son attractivité.

 

Conforter les bourgs-centres en finançant les surcoûts des services ; ce n'est pas gaspiller l'argent public, c’est équilibrer notre territoire.

Il s’agit bien d’une décision politique, d’un choix de société

 

 

C) Des inquiétudes, des solutions  des luttes

 

  • L’analyse faite pour les collèges peut se faire au niveau des lycées d’enseignement général 10 postes supprimés pour 18 élèves en moins mais aussi au niveau des LP et des Lycées agricoles. Il y a une volonté de démantèlement du service public scolaire
  • Il s’agit pour l’état, on l’a compris de supprimer des postes sans trop énerver les politiques qui défendent leur territoire.

La solution proposée est le RPI de collèges, les collèges multi sites.

Ce sont de fausses solutions qui permettent de  jeter de la poudre aux yeux. Ces solutions relèvent de fausses économies.

Certes l’éducation nationale est gagnante : plus d’élèves par classe donc moins d’enseignants à payer.

Mais que fait-on du transport scolaire, de la cantine, du double équipement CDI, de l’équipement informatique.

Plus de frais de fonctionnement mais ils sont à la charge des collectivités locales, communes, département, qui sont étranglées financièrement à cause du désengagement de l’état.

 

Je peux prendre un exemple similaire : celui de la radiothérapie de Guéret qui devait fermer car le seuil des usagers étaient inférieur au seuil de rentabilité préconisé.

Les malades ont donc été dispatchés sur les autres hôpitaux Clermont Montluçon Limoges avec les problèmes de transports inhérents qui revenaient (du dire de l’ARS même) plus chers que le service !

 

Donc calculons le vrai prix des RPI écoles comme collèges

 

L'existence de structures sur tout le territoire est un élément essentiel de continuité du service public, pour assurer l'accès de tous aux savoirs et l'égalité sociale d'accès à l'école. 

Les regroupements territoriaux construisent un territoire morcelé, fragmenté et inégalitaire, avec des pôles bénéficiant de plus de services, de plus de moyens, et des régions désertées.

 

 

Comment lutter ?

 

  • Bien sûr en mobilisant les usagers, les parents en tout premier lieu(les IA y sont sensibles), les associations, les collectifs comme celui de la défense des services publics.
  • mais en n’oubliant surtout pas d’impliquer les politiques maires, conseillers généraux, partis politiques députés sénateurs qui doivent être mobilisés avec la base.

Des mobilisations ont abouti à des résultats positif.

 

Et au risque d’enfoncer des portes ouvertes je dirai

« Les batailles perdues sont celles qu’on n’a pas menées »

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